Le
Boeing E-3A Sentry, qui remplace dans l'US Air Force
les EC-121 dérivés du Lockheed Constellation,
représente un progrès remarquable. Capable
d'être déployé en très peu
de temps vers n'importe quelle région du globe,
l'AWACS (Airborne Warning and Control System) conférerait,
en cas de conflit, un avantage considérable aux
forces américaines.Presque du jour au lendemain,
le Sentry a multiplié les capacités d'intervention
des Etats-Unis, capacités qui se situent désor
mais à l'échelle du globe. Ravitaillables
en vol, les Sentry peuvent, en quelques heures, être
déployés dans n'importe quelle région.
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Depuis son entrée en service, en 1977, il a fourni
la preuve de sa souplesse d'emploi en intervenant en
plusieurs points chauds, notamment dans le nord-est
de l'Afrique, pour y surveiller l'activité aérienne.
Le Sentry apparaît donc, d'une certaine manière,
comme un équivalent moderne des canonnières
que les puissances occidentales envoyaient jadis dans
les régions où elles désiraient
montrer leurs forces. Mais, en dehors de ces déploiements,
les Sentry sont basés de manière permanente
sur des territoires tels que Keflavik, en Islande, Kadena,
dans l'île d'Okinawa, ou certains points de l'Alaska,
ce qui leur permet de renforcer de manière substantielle
1er réseau d'alerte du NORAD.
Bien qu'il ait été prévu pour servir
jusqu'à la fin de la précédente
décennie, le EC-121 présentait des inconvénients
qui inquiétèrent les responsables américains
dès les années soixante. Ce n'est toutefois
qu'en juillet 1970 qu'ils décidèrent d'y
remédier en passant commande à Boeing
de travaux de développement, de réalisation
et d'essais en vol de deux radars aéroportés,
dus l'un à Westinghouse et l'autre à Hughes.
Boeing construisit donc deux prototypes, dérivés
d'un avion commercial éprouvé, le 707-320B,
qui prirent tout d'abord la désignation de EC-137D,
avant d'être rebaptisés E-3A.
Ces deux prototypes volèrent au début
de 1972 et, au terme de cinq mois d'essais comparatifs,
c'est le système Westinghouse qui fut retenu;
la nouvelle fut rendue publique le 5 octobre 1972. Les
essais se poursuivirent, afin d'établir les possibilités
opérationnelles de la machine, et ce n'est qu'à
la fin de janvier 1973 que fut prise la décision
de développer pleinement le projet. Deux avions
furent encore construits, afin de prendre part aux essais
opérationnels. Quant à la production en
série, elle ne fut décidée qu'après
la conclusion positive de ceux-ci, en avril 1975.
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Les essais de développement portèrent
essentiellement sur deux domaines, celui de l'intégration
des systèmes, et celui de l'évaluation
des capacités opérationnelles. Les quatre
avions y prirent part, puis ce fut une nouvelle campagne
d'expérimentation qui dura seize mois, conduite
par l'Air Force Test and Evaluation Center (AFTEC),
installé sur la base de Kirtland, au Nouveau-Mexique.
Celle-ci débuta en août 1975; elle allait
porter sur 451 vols totalisant plus de 1 800 heures,
et culminer par la participation des avions à
trois séries de manceuvres, à la fin de
l'année suivante. Le Sentry se comporta de manière
très satisfaisante, et apporta la preuve de son
aptitude à remplir sa mission, même face
à des contre-mesures électroniques très
élaborées et abondantes. L'ultime cap
était alors franchi, et le Sentry entra en service
dans l'USAF le 24 mars 1977, jour où le premier
avion de série arriva au 552nd Airborne Warning
and Control Wing de Tinker AFB, en Oklahoma. L'entraînement
des personnels débuta aussitôt, mais la
complexité de la machine était telle qu'elle
ne devint réellement opérationnelle qu'en
avril de l'année suivante. Aujourd'hui, une trentaine
d'avions, qui appartiennent au 552nd AWACW, sont en
service dans l'USAF. Ils opèrent régulièrement
à partir de Tinker, de Keflavik, de Kadena, de
Riyad et d'Elmendorf. Les plans actuels prévoient
la mise en service de quarante-six avions.
Dans l'ensemble, le E-3A est conçu pour remplir
deux missions, l'organisation de l'attaque tactique
et de la défense stratégique. Dans le
premier cas, il permet de surveiller les réactions
de l'ennemi et constitue une plate-forme « C3
» (Command, Control and Communications, «
commandement, contrôle et communications »),
permettant de coordonner avec une efficacité
maximale l'action des avions d'interdiction, d'appui
tactique, de sauvetage et même de transports.
Les avions ennemis, quelque soit leur altitude peuvent
être détectés au-dessus de n'importe
quel type de terrain. Le E-3A peut en outre identifier
et contrôler l'action des force amies, terrestres
et aériennes, et alerter tous les échelons
de commandement.
Dans
le domaine défensif, le E-3 constitue le moyen
le plus sur de mener à bien la détection
et d'organiser l'interception des avions ennemis. Il
constitue la pièce maîtresse du réseau
NORAD de défense des Etats-Unis. L'équipage
du E-3A se compose normalement de 17 hommes. 4 assurent
le pilotage, les autres sont chargés de la partie
Alerte, Détection, Inforamtion du système.
Mais leur nombre peut varier en fonction des missions.
La cellule de l'avion est celle du Boeing 707-320B.
Les réacteurs sont des Pratt & Whitney TF33
à double flux, de 9 525 kgp. Le grand rotodôme
constitue l'unique différence extérieure
par rapport à l'avion civil. Il renferme les
antennes du radar Westinghouse, ainsi que le système
TADIL-C de transmission de données et les équipements
IFF. D'un diamètre de 9,14 m, il est haut de
1,83 m et effectue normalement six rotations complètes
par minute autour de son axe. Lors des opérations
de ravitaillement en vol et des missions non opérationnelles,
cette vitesse de rotation est ramenée à
un quart de tour par minute, ce qui suffit pour empêcher
le givrage qui risquerait de bloquer le mouvement.
Le puissant radar Westinghouse APY-1 a une portée
de l'ordre de 400 km lorsque l'avion évolue à
basse altitude, et sensiblement plus grande dans le
cas contraire. Il s'agit d'un radar Doppler à
impulsions, caractérisé par une fréquence
de récurrence élevée qui lui confère
à la fois une grande portée et une grande
précision, tout en lui permettant de détecter
des cibles vers le bas. Les données fournies
par ce radar et par les autres capteurs sont traitées
par un calculateur rapide IBM 4Pi Cc-1 qui peut accomplir
jusqu'à 740 000 opérations par seconde.
Cet ordinateur monté sur les vingt-trois premiers
avions comprend des systèmes de contrôle
arithmétique, des unités de contrôle
des périphériques, des entrées
et des terminaux, un enregistreur sur bande, des tambours
de mémoire de masse, des imprimantes, des mémoires
principales et une console de contrôle. Il a un
débit de données correspondant, à
l'entrée comme à la sortie, à 710
000 mots par seconde; la capacité de la mémoire
principale est de 131 072 mots. Celle de la mémoire
de masse atteint 802 816 mots, mais pourra facilement
être accrue. A partir du 24e avion, les E-3A seront
dotés d'un ordinateur IBM plus performant encore.
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Le E-3 est, en outre, équipé de neuf consoles
polyvalentes et de deux consoles auxiliaires qui permettent
d'effectuer les missions de contrôle, avec le
recours à une quantité impressionnante
d'équipements de télécommunications
comprenant notamment des matériels radio HF,
VHF et UHF qui permettent d'émettre et de recevoir,
en clair ou en code, sous forme vocale ou numérique.
Le système JTIDS (Joint Tactical Information
Distribution System) qui équipe les E-3A les
plus récents permet une transmission plus sûre
encore des informations.
Une autre caractéristique remarquable du Sentry
est l'interrogateur CutlerHammer AN/APX-103, premier
équipement de sa catégorie comportant,
le système de contrôle de trafic AIMS Mk
X SIF et l'IFF Mk XII militaire, ce qui permet d'obtenir
instantanément des données concernant
la distance, l'azimut, le site, le code d'identification
et le statut IFF de tout appareil donnant un écho
sur l'écran. Toute l'avionique opérationnelle
est liée à un dispositif de contrôle
de fonctionnement qui recherche en permanence d'éventuels
pannes ou fonctionnements anormaux et les signale aussitôt
à l'équipage, qui prend alors les mesures
qui s'imposent, certaines réparations étant
possibles au cours d'une mission; l'avion, en effet,
emporte une grande quantité de pièces
de rechange. En ce qui concerne les développements
futurs, les possibilités d'amélioration
sont très étendues, et certaines sont
d'ores et déjà prévues. La capacité
de poursuite d'un écho pourra notamment être
accrue, et il faut s'attendre à voir l'avion
emporter des équipements d'autodéfense
. récepteurs radars passifs, éjecteurs
de paillettes, systèmes de contre-mesures électroniques
et leurres thermiques, qui tous contribueront à
rendre le Sentry moins vulnérable. Même
dépourvu de ces équipements, le E-3 est
un appareil qui joue un rôle capital, et dont
l'entrée en service a représenté
un progrès considérable.