Alors
que deux armées ennemies se faisaient face du fond
de leurs tranchées, l'un et l'autre camps commencèrent
à faire usage de ballons d'observation. Ceux-ci, en
effet, permettaient d'étudier dans les moindres détails
les positions de l'ennemi. Grâce à eux, les officiers
pouvaient voir le terrain sur lequel ils allaient lancer les
attaques, et les ballons permettaient de régler les
tirs de l'artillerie.
L'utilisation
de ballons captifs comme moyen d'observation remonte à
la Révolution française, plus précisément
à la bataille de Fleurus. Napoléon eut recours
à eux lors de certaines de ses campagnes. Aux ÉtatsUnis,
des essais eurent lieu dès 1784. En 1863, c'est encore
aux États-Unis que le comte von Zeppelin, alors dans
sa prime jeunesse, effectua son premier vol.
A la même époque, des essais effectués
en Allemagne débouchaient sur l'apparition du Drachen,
qui tenait à la fois du ballon et du cerf-volant. Des
Drachen furent utilisés, au cours des premiers mois
de la Grande Guerre, à la fois comme engins d'observation
et de réglage d'artillerie. Les Britanniques s'en équipèrent,
en même temps qu'ils découvraient les graves
défauts du ballon sphériue. En France, où
l'on avait cru devoir renoncer aux ballons militaires en 1912,
l'idée refit surface. C'est un officier français,
qui allait par la suite accéder à de très
hautes fonctions, Albert Caquot, qui mit au point la meilleure
formule, inspirée des réalisations allemandes
: celle de la «saucisse» dotée de trois
surfaces de stabilisation lui permettant de tenir l'air par
des vents atteignant 100 km/h.
Quatre types de ballons Caquot furent utilisés : le
plus petit était le Type P, bientôt suivi du
Type P2 et du M2 , enfin le Type R. Les trois premiers modèles
pouvaient emporter deux hommes, et le dernier, trois. Les
Types P et P2 furent employés par l'armée française,
ainsi que par la marine, à bord de petits navires.
Quant au Type R, qui pouvait être mis en oeuvre à
partir de gros bâtiments, il atteignait l'altitude de
1 000 m, soit sensiblement le double du plafond du Type M2,
plus petit. Cinq mois avant la fin de la Première Guerre
mondiale, la marine française disposait de quelque
200 ballons, tandis que vingt-quatre navires seulement pouvaient
en être équipés.
Les pays alliés de la France ne tardèrent guère
à adopter les ballons Caquot, qui pouvaient être
employés par des vents de force 9, comme de jour. Les
observateurs n'étaient équipés que de
jurnelles et d'un téléphone de campagne. Dès
lors, les ballons devinrent la cible favorite de l'aviation
ennemie. Leurs équiages disposaient de parachutes,
chés à l'extérieur de la nacelle. Leur
ouverture était commandée câble fixé
à celle-ci.
Les Allemands effectuaient en général leurs
missions d'observation en début de matinée,
tandis que Britanniques et Français préférés
l'après-midi

On
imagine aisément combien pouvait être rude la
tâche des équipages. Les observateurs étaient
exposés aux rigueurs du froid et des intempéries,
mais surtout ils avaient à redouter les attaques de
la chasse adverse. En dépit de mesures énergiques
visant à protéger, autant que possible, les
ballons, dans chaque camp des hommes se firent bientôt
les spécialistes de leur destruction. Ce furent notamment
le Belge Willy Coppens et l'Allemand Heinrich Gontermann.
L'ascension elle-même et la descente réservaient
bien des surprises à ceux qui tentaient l'aventure.
Une histoire demeurée célèbre est celle
de cet officier qui, de retour sur terre après un bref
vol, bégaya et resta sourd pendant cinq minutes. Certaines
unités d'aérostiers mirent au point leurs propres
techniques en vue de parer aux inconvénients de descentes
trop rapides. Au sein de la 2e escadre britannique, l'usage
voulut que l'on observât une pause au cours de la descente,
même dans le cas où le ballon subissait une attaque
de l'aviation ennemie! Les règles à observer
ne convenaient pas à tous les passagers, notamment
aux officiers supérieurs qui s'enhardissaient à
observer du ciel le terrain qu'ils espéraient conquérir.

Des
ballons d'observation furent utilisés à partir
des types les plus divers de véhicules à moteur.
En France, on utilisa le moteur Delahaye de60 ch, entraînant
un treuil Saconney, puis, à partir de 1917, un de Dion
Bouton de 70 ch et un treuil conçu par Caquot lui-même.
Le ballon pouvait ainsi regagner le sol à la vitesse
de 6 m/s.
Le front s'étendant sur des centaines de kilomètres,
il fallut recruter de nombreux équipages. L'armée
britannique créa plusieurs entrepôts et centres
d'entraînement tels que ceux de Larkhill, Lydd et Roehampton,
et utilisa même des terrains de cricket. C'est là,
ainsi que dans les écoles d'artillerie formant également
des observateurs, que les hommes se familiarisaient avec diverses
techniques, celles notamment qui permettaient de ne pas perdre
de vue, à la jumelle, un objectif au sol, même
lorsque la nacelle était agitée par un fort
vent. Ils apprenaient également à accrocher
le fil de leur téléphone de campagne à
un trapèze, de manière que celui-ci ne risque
pas de mettre en torche le parachute d'un observateur contraint
par la chasse ennemie à évacuer la nacelle de
son ballon. Les Caquot remplacèrent peu à peu
les Drachen, sur lesquels la ligne téléphonique
était directement attachée au câble principal.
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