En avril 1942,
après le raid allié sur Saint-Nazaire, les
alliés britanniques et américains reprennent
le projet d'un raid de grande envergure sur un port français
du littoral de la Manche destiné à tester
les défenses et à apporter la preuve aux Soviétiques
qui demandent l'ouverture d'un second front qu'il n'est
pas si facile de prendre pied sur la côte française.
Le Haut Commandement porte son choix sur Dieppe pour deux
raisons essentielles : la taille de l'agglomération
et la distance, compatible avec les moyens de transport
disponibles permettant une couverture aérienne constante.
L'opération
doit durer douze heures, l'assaut frontal ayant lieu sur
la plage de Dieppe, après des débarquements
latéraux, effectués à Pourville et
à Puys permettant de neutraliser les défenses
surplombant la plage principale. Les batteries à
longue portée de Varengeville et de Berneval doivent
également être détruites avant le débarquement
sur Dieppe. Les objectifs du raid sont la destruction des
défenses allemandes du littoral, des structures portuaires
et de toutes les installations à caractère
stratégique (dépôts de carburant, stations
radio et radar, quartiers généraux, aérodrome...)
Plus de 6 000
hommes doivent débarquer, dont 4 965 Canadiens de
la 2ème Division et 1 200 Britanniques des Commandos
et des Royal Marines. Le transport est assuré par
250 embarcations (transports de troupes, destroyers, canonnières,
vedettes, landing-crafts...). Un millier d'appareils (chasseurs,
chasseurs-bombardiers, bombardiers légers) sont utilisés
pour l'appui et la défense de la force de débarquement.
Le secteur de
Dieppe est en août 1942 sous la responsabilité
de la 302° Division de la Wehrmacht. Les effectifs sur
les différents sites de débarquement sont
de l'ordre de 2 500 hommes bien équipés et
entrainés, pouvant bénéficier de renforts
conséquents dans des délais très courts.
Les fortifications y sont déjà redoutables
et la puissance de feu considérable. L'aviation allemande,
bien qu'inférieure en nombre, est très dangereuse
et a l'avantage d'être à proximité de
ses bases arrières.
Dans la soirée
du 18 août, la force navale de Jubilee appareille
de plusieurs ports de la côte Sud
de l'Angleterre. Les différents groupes effectuent
une traversée sans histoire jusqu'au moment où,
à quelques miles de la côte, l'aile gauche
de la flottille, qui transportait le Commando britannique
N°3, se heurte d'une manière inattendue à
un petit convoi allemand qui faisait route de Boulogne vers
Dieppe. Il est 3h45. Le combat qui éclate désorganise
complètement l'attaque prévue sur Berneval
et met en état d'alerte une partie des défenses
ennemies. Un petit groupe de Commandos réussit malgré
tout à neutraliser la batterie pendant une heure
et demie.
A 4h50, à
l'autre extrémité de la zone d'opération,
le 4e Commando prend pied à deux endroits de la côte,
pour prendre en tenaille la batterie de Varengeville. Le
succès est total : la batterie est détruite,
les commandos rembarquent vers 8h15 avec un minimum de pertes.
A Puys, le Royal
Regiment of Canada est mis à terre à 5h06,
en retard sur l'heure prévue. Il fait jour, les défenseurs
sont aux aguets, surplombant les assaillants qui tentent
vainement de franchir le haut mur de béton qui barre
la petite plage, sous un déluge de feu, sans aucune
possibilité d'abri. En moins d'une heure, sur les
600 hommes débarqués, les Canadiens perdent
225 tués, le reste de l'effectif est blessé
ou capturé, seulement une soixantaine rentre en Angleterre.
La plage de Pourville, objectif du South Saskatchewan et
des Cameron Highlanders est atteinte à 4h50 et le
village investi sans trop de difficultés. La défense
allemande va ensuite progressivement se durcir et, malgré
des avancées jusqu'à Petit Appeville dans
la vallée et jusqu'au deux-tiers des pentes menant
vers Dieppe, les assaillants ne peuvent poursuivre leur
effort et doivent se replier en fin de matinée pour
rembarquer avec de sérieuses pertes (151 tués,
266 prisonniers, 269 blessés).
A 5h20, après
un bombardement préparatoire très insuffisant,
les deux premières vagues du Royal Hamilton et des
Essex Scottish prennent pied sur la plage de Dieppe. Les
chars du 14th Canadian Army Tank Regiment qui auraient dû
les accompagner ne débarquent, à grand peine,
que quinze minutes plus tard et ne peuvent appuyer efficacement
l'avancée des fantassins sur l'esplanade découverte,
battue par un feu d'enfer venant des falaises et des maisons
du front de mer. Même ceux qui parviennent à
monter sur l'esplanade ne peuvent ensuite franchir les murs
de béton barrant chaque accès en direction
du centre-ville. Le casino est occupé par des éléments
du Royal Hamilton, certains petits groupes parviennent même
à franchir les premières rangées de
maisons et à pénétrer jusqu'à
l'église Saint Rémy.
Sur la partie
Est de la plage, les hommes de l'Essex Scottish, encore
plus exposés, sont très rapidement bloqués
par l'intensité des tirs allemands. Le Commandement
allié, basé sur le HMS "Cale", ne
voyant rien de ce qui se passait à terre, à
cause de la fumée extrèmement dense et mal
renseigné par des transmissions défaillantes,
expédie de nouvelles vagues en renfort, Fusiliers
Mont Royal et Commandos des Royal Marines, qui arrivent
sur la plage dans une confusion totale. La bataille va continuer
jusqu'à la fin de la matinée, l'ordre de repli
est donné vers 11 heures aux survivants qui tentent
de regagner les embarcations venues les récupérer.
Sur les 2 000 hommes débarqués, 400 sont morts,
seulement 400 réussissent à rejoindre l'Angleterre.
Est-ce vraiment un échec, oui sur le coup et pour
tous ses hommes perdus mais avec le recul le haut commandement
allié en a tiré des bénéfices
pour ses futurs débarquement.