En 1643, une
armée d'invasion tente de pénétrer
en France depuis les Pays-Bas. Les troupes espagnoles, commandées
par Francisco de Melo, assiègent Rocroi, qui ouvre
la route de l'Oise, vers Paris. Le jeune duc d'Enghien,
fils du prince de Condé, a reçu le commandement
de l'armée de Picardie.
Avec 17 000 fantassins
et 6 000 cavaliers, il oblige son adversaire légèrement
plus nombreux à livrer bataille. Il commence par
disposer son armée selon une ordonnance tendant alors
à se répandre, la cavalerie aux ailes, l'infanterie
au centre, sur deux lignes, protégée par une
mince ligne d'artillerie. Les Espagnols ont choisi une ordonnance
plus traditionnelle, disposant au centre leurs tercios la
redoutable infanterie espagnole - avec leur artillerie,
en carrés massifs, en damier, sur une étendue
d'environ une demi-lieue, et la cavalerie aux ailes.
Enghien redoute
les tercios, et n'engage contre eux que des escarmouches;
un premier engagement le lundi 18 mai ne donne aucun résultat.
Le mardi 19 à l'aube le combat reprend; l'infanterie,
commandée par La Ferté, se trouve bientôt
bousculée, et quelques canons sont pris, renversés
ou encloués.
En revanche, Enghien prend l'offensive avec sa cavalerie:
sur l'aile gauche, contre Francisco de Melo, l'attaque de
L'Hospital tourne à la confusion, mais sur l'aile
droite, Gassion met en fuite la cavalerie d'Albuquerque.
Enghien conserve alors l'offensive, et par un vaste mouvement
de la cavalerie qu'il commande personnellement, il contourne
l'ensemble de la position espagnole, peut prendre à
revers la cavalerie de Melo, et sur son flanc l'infanterie
des redoutables tercios, alors pris en tenaille entre Enghien
l'infanterie française.
Les tercios se rassemblent autour de leur propre artillerie
en une masse redoutable, hérissée de piques
et de mousquets, dont le tir est meurtrier. Mais incapables
d'en exploiter l'effet, et immobilisés sur leur position,
les tercios deviennent une cible facile pour l'artillerie
de Condé. À court de munitions, ils sont emportés
au quatrième assaut, grâce au retour de Gassion
sur le champ de bataille. Le comte de Fuentes, âgé
de 83 ans, vieillard qui commandait assis sur un fauteuil
au milieu de ses hommes, compte parmi les 8 000 morts des
troupes d'Espagne...
La manoeuvre
offensive de Rocroi met fin à plus de quatre-vingts
ans d'invincibilité de la redoutable armée
espagnole, fait du duc d'Enghien un héros, et annonce
le nouvel éclat des armées françaises.