À
partir de 1627, la France redoute une rupture avec l'Angleterre.
À la Rochelle, l'insatisfaction règne depuis
que le roi a refusé de détruire comme il l'avait
promis, le Fort-Louis qui fait peser une menace permanente
sur la ville et ses accès maritimes et terrestres.
Les représentants de la ville demandent à
leur protecteur anglais, Charles 1er, d'imposer au roi de
France, si nécessaire par la force, qu'il tienne
ses promesses.
De plus, Soubise, l'un des chefs protestant prétend
que dès que la flotte anglaise apparaîtra au
large de La Rochelle tous les huguenots de France se soulèveront.
À Paris, Richelieu redoute que les Anglais conquièrent
les îles de Ré et d'Oléron et les organisent
comme de futures bases d'opérations vers La Rochelle
et contre le royaume des Bourbons. Il fait renforcer les
défenses à partir de février 1627 et
envoie de l'artillerie, 2 000 fantassins et 200 cavaliers,
sous le commandement du maréchal de camp Jean de
Saint-Bonnet de Toiras. La défense de l'île
de Ré, située à 3 kilomètres
de la côte, en face de La Rochelle, s'organise autour
des deux forts existants de Saint-Martin et de la Prée.
C'est en définitive la flotte anglaise qui dénoue
la première la situation.
Le
27 juin 1627, Buckingham, dont Charles Ier a fait un grand
amiral et un général, appareille de Portsmouth
à la tête d'une flotte qui compte près
de 100 navires avec, dans leurs flancs, plusieurs régiments
d'infanterie et de cavalerie. Il a l'intention de faire
respecter par le roi de France la promesse faite aux Rochelais.
Après trois semaines de navigation, la flotte anglaise
apparaît devant l'île de Ré. À
La Rochelle, la population demeure dans l'expectative. Elle
hésite à franchir le pas de la révolte.
Pour ce faire, le roi ordonne au duc d'Angoulême de
déployer l'armée autour de la ville. Le l"
septembre, les Rochelais découvrent les troupes royales
qui ont entrepris le creusement de tranchées ; ils
les accueillent à coups de canons. Depuis Fort-Louis,
les artilleurs déclenchent un tir de contrebatterie.
La guerre entre Rochelais, le roi de France et Richelieu
vient de commencer.
Conscient de l'importance stratégique de la résistance
de Toiras sur Ré, Richelieu réussit à
2 reprises, grâce à l'audace et au courage
des marins français, à briser le blocus qui
affame la garnison royale. Une première fois treize
pinasses lourdement chargées lui apportent des munitions
et des vivres. Un second convoi lui livre, au début
du mois d'octobre, le renfort de plus de 800 hommes et du
ravitaillement.
Pendant ce temps, l'autre blocus, celui de La Rochelle,
se précise. Une ligne de circonvallation longue de
12 kilomètres, armée de 11 forts et 18 redoutes,
est mise au point par un ingénieur italien Pompeo
Targone.
Mais Richelieu, toujours préoccupé par le
sort de Ré, fait passer sur l'île, au début
du mois de novembre 1627, environ 8 000 hommes et de l'artillerie
sous le commandement de Schomberg. Averti, Buckingham tente,
une dernière fois, de prendre la citadelle de Saint-Martin
en Ré de vive force. Son échec à peine
consommé, il est attaqué par Schomberg alors
qu'il retraite pour son rembarquement. Le sort de l'île
et du corps expéditionnaire anglais sont définitivement
scellés. Au cours de cet ultime combat, les Anglais
perdent près de 2 000 hommes, abandonnent une partie
de leur artillerie et laissent aux mains des Français
plusieurs drapeaux.
Débarrassés de l'épée de Damoclès
que représentait pour eux Buckingham, Richelieu et
le roi reportent toute leur attention sur La Rochelle. À
la fin du mois de novembre, Metezeau, architecte du roi,
et Thiriot, entrepreneur parisien de maçonnerie,
présentent le projet de construction de la digue
qui sera immortalisée par le tableau d'Henri Motte.
Ils proposent de fermer le chenal, qui mesure environ 1
600 mètres de large, par une digue de 1 400 mètres
qui s'appuie sur des navires coulés après
avoir été préalablement remplis de
maçonnerie et de gravats divers.
Sur
cette base, les deux hommes de l'art envisagent d'élever
une digue. Elle aura 8 toises (16 mètres) à
la base, 4 (8 mètres) au sommet. Le roi accepte ces
propositions ; 4 000 ouvriers, largement rémunérés,
sont engagés et immédiatement mis au travail.
Avant son départ, le roi nomme le cardinal "lieutenant
général des armées" et lui donne
les pleins pouvoirs pour mener à son terme le siège
de La Rochelle.
Dans la ville affamée la résistance ne faiblit
pas aussi vite que l'espérait le cardinal.
Au début du mois d'octobre, une flotte anglaise de
plus de cent navires bombarde les positions françaises.
Mais aucune troupe ne débarque pour secourir les
assiégés. Dans la ville, plus de 13 000 d'entre
eux sont déjà morts de faim et d'épuisement.
Finalement, l'énergie farouche des Rochelais vacille
devant l'inflexible détermination du cardinal. Le
28 octobre 1628, la ville capitule sans condition.
Le roi accorde une amnistie générale aux survivants.
La foi catholique est rétablie, les privilèges
de la ville sont supprimés, les murailles sont rasées.
La ville ne compte plus guère que 5 000 survivants
qui sont affamés dans les rues de la cité.