Les
combattants de la Grande Guerre firent usage de pièces
d'artillerie lourdes à une époque où
les transports mécanisés existaient à
peine. Ils ont d'ailleurs joué un certain rôle
mais les exigences de la logistique ont fréquemment
imposé le recours à l'homme et au cheval.
Les transports mécanisés font aujourd'hui
partie de l'existence quotidienne, et il est, pour nous,
très surprenant d'apprendre qu'il n'en était
pas de même au début du siècle.
Avant la Première Guerre mondiale, la race humaine
- parfois assistée par celle du cheval - restait
la plus grande source d'énergie. II faut s'en
souvenir lorsqu'on en vient à aborder les problèmes
soulevés par l'artillerie lourde; la traction
mécanique, les dispositifs de levage à
moteur restaient peu répandus, et, pour déplacer
de massives pièces d'artillerie, il n'y avait
souvent pas d'autre solution que de recourir à
la force humaine et animale.
Au
cours des siècles, les canonniers apprirent à
déplacer les charges les plus lourdes - ainsi
un très gros canon et son affût - à
l'aide de procédés très primitifs.
Ils faisaient usage d'un système compliqué
de madriers, de poutres, de poulies et de leviers, à
quoi venait s'ajouter un travail humain considérable.
Mais ces méthodes éprouvées se
révélées bientôt peu utiles
lorsqu'il fallut manipuler des canons de très
gros calibre. Fort heureusement, les véritables
monstres mis en service au cours de la Grande Guerre
étaient le fruit de techniques métallurgiques
et mécaques déjà assez avancées;
leurs concepteurs y inclurent donc sount un système
qui en permettait le maniement au prix d'efforts bien
gindres et qui, par surcroît, en renforçait
la sécurité. L'engin était pourvu
de rails ou de treuils et pouvait donc être déplacé
et déposé sur e plate-forme de transport,
sans qu'on ait à se servir de dispositifs spécia!isés.
Certaines pièces d'artillerie lourde comprenaient
une grue, égrée ou mobile, qui faisait
partie de l'équipeënent standard.
Les problèmes liés au déplacement
de l'artillerie lourde n'étaient donc plus aussi
épineux qu'autrefois, mais il restait encore
bien du travail à accomplir. II fallait, par
exemple, creuser des puits pour loger la lourde plate-forme
de tir dont la plupart des canons de cette époque
avaient besoin; parfois même l'importance du recul
lors de chaque tir obligeait à un terrassement
supplémentaire. Le montage proprement dit de
l'arme se faisait souvent manuellement, et c'est d'ailleurs
pourquoi seuls les appelés les plus grands et
les plus forts se retrouvaient dans les unités
d'artillerie lourde.
Montage et démontage ne représentaient
d'ailleurs qu'un aspect du travail. Une fois un canon
réduit à ses éléments de
base, il fallait transporter ceux-ci jusqu'à
leur destination. Ce genre de travail était auparavant
généralement confié à des
chevaux ou à des animaux de trait. Mais les pièces
d'artillerie de la guerre de 14-18, si massives, exigeaient
bien trop d'attelages pour que ce système soit
efficace. Seus les nations les moins importantes durent
sent contenter. Les autres recoururent aux engins à
moteur - essentiellement au tracteur -, à la
traction à vapeur et même au train.
Les
véhicules utilisés étaient le plus
souvent de simples modèles commerciaux réquisitionnés
qui ne connurent que peu de modifications. II n'en alla
pas de même avec le tracteur à moteur.
C'était un engin assez rustique qui, souvent,
ne disposait que d'une puissance limitée. Pour
qu'il puisse véritablement remplir son rôle,
il fallut donc accroître massivement ses dimensions
et le doter de grandes roues. Les tracteurs de la Grande
Guerre spécialisés dans la traction de
l'artillerie devinrent donc d'énormes capots
montés sur roues, leurs conducteurs n'étant
plus qu'un simple accessoire de l'appareil. Les nombreux
modèles mis au point en Autriche et en Allemagne
- AustroDaimler et véhicules du même ordre
- sont typiques de ce genre de conception.
Par ailleurs, tous ces engins, même en temps de
guerre, ne furent jamais disponibles en nombre suffisant
pour satisfaire à tous les besoins. Les canonniers,
plus d'une fois, durent se contenter de chevaux, de
boeufs de labour et parfois même de chameaux !
II est difficile d'imaginer les épuisantes difficultés
auxquelles la conduite de ces animaux donna lieu sur
les champs de bataille ravagés de toute l'Europe;
on ne peut que s'incliner devant le courage et la ténacité
des servants.