La
guerre des Malouines a fourni un terrain d'essai pour
les porte-aéronefs utilisant des Sea Harrier. Bien
que l'avion V/STOL ait été essayé
avec succès, le navire allait révéler
de sérieuses faiblesses, dont la principale fut
l'absence complète de système d'alerte aérienne
avancée.
Pour
mener à bien l'opération Corporate, la Royal
Navy regroupa ses deux porteaéronefs en activité,
le Hermes et l'Invincible, pour constituer l'épine
dorsale de la force navale envoyée dans l'Atlantique
Sud. L'aéronavale comprenait des Sea Harrier et
des hélicoptères d assaut. Tous les préparatifs
de l'expédition furent achevés pour le 5
avril 1982, avec l'embarquement à Portsmouth des
munitions et du ravitaillement.
Mais une fois la terre hors de vue, la difficulté
de la tâche à entreprendre s'imposa è
l'esprit de tous et il apparut clairement qu'il ne pourrait
y avoir de reconquête des Malouines sans l'emploi
du Sea Harrier. C'est pourquoi pendant la traversée
fut entrepris l'entraînement méthodique nécessaire
pour rendre opérationnels pilotes et marins. Les
armuriers travaillèrent sans relâche pour
permettre aux Sea Harrier de tire des Sidewinder AIM-9L,
grâce aux donnée informatiques des systèmes
de conduite reçues par satellite depuis l'état-major
de marine à Northwood. En outre, ils montèrent
sur les avions des pylônes d'attache pour d roquettes
de 51 mm, des bombes à fragmentation BL755 et,
pour la première fois, des fusées éclairantes
Lepus à parachute.
Pendant ce temps, les mécaniciens travaillaient
à rendre les avions opérationnels et s'entraînaient
aux techniques de réparation des avaries de guerre,
vitales pour maintenir les avions en état de vol.
Dans 1 intervalle, le personnel d'état-major s'aperçut
rapidement ue, sans aucun moyen d'alerte aérienne
avancée, la flotte serait très vulnérable
aux attaques d'appareils volant à basse altitude
et très limitée dans son rôle de couverture
aérienne des débarquements. Il dut aussi
prendre en compte la menace représentée
par la flotte argentine, principalement le porte-avions
Veinticinco de Mayo, et remédier aux faiblesses
de l'aviation embarquée, car les Sea Harrier, au
début, n'étaient pas pourvus de lance-leurres
qui sont pourtant essentiels dans le combat aérien
moderne. De plus les pilotes n'étaient pas complétement
entraînés aux missions de combat ou d'attaque
au sol avec les munitions disponibles.
A
la mi-avril, lorsque l'armada britannique s 'approchait
des Malouines, la reconquête de la Géorgie
du Sud fut entreprise par un petit détachement naval.
Le 21 avril, les Argentins se firent une idée précise
de la position de la flotte britannique quand un Boeing
707 de l'armée de l'air argentine en mission de reconnaissance
fut intercepté, 250 km au sud des porte-avions, par
un Sea nier du Hermes. Alertés, les Argentins se
préparèrent pendant les jours suivants à
battre la Royal Navy. Le 29 avril, le Éticinco de
Moyo, qui embarquait huit A-4Q et six Grumman S-2E et quatre
hélicoss Sikorsky SH-3D, prit la mer avec pour escorte
deux destroyers du Type 42, ainsi que des destroyers et
frégates plus petits, mettant le cap sur une position
au nord-ouest, à la limite de la zone d'exclusion
où il était le mieux placé pour intercepter
l'escadre britannique. Le 1er mai, à l'aube, les
armuriers du Hermes équipèrent les Sea Harrier
de bombes de 454 kg pour bombarder l'aérodrome de
Port Stanley et celui de Goose Green.
Entre-temps,
en raison de son radar plus moderne et de son aéronavale
réduite, l'Invincible fut affecté à
la couverture une du retour des avions et de la flotte depuis
l'île de l'Ascencion, en fournissant une patrouille
de combat (PCA) forte de dix voilures fixes.
Pendant
cette période, un des trois Sea King de l'Hermes
avait été détaché pour participer
à la chasse au sous-marin argentin San Luis, record
mondial de durée (plus de dix heures) pour une mission
de lutte ASM. Les trois voilures tournantes avaient des
équipages de réserve et les relèves
se déroulaient depuis les ponts des deux frégates
participant à la chasse. Les hélicoptères
faisaient le plein de carburant en vol, par des tuyaux reliés
aux citernes des navires. Dans l'agrès-midi du ler
mai, tous les Sea Harrier inscrivirent des victoires dès
que les avions argentins commencèrent d'approcher
et d'attaquer la flotte. Dans des circonstances qui rappelaient
les batailles de la guerre du Pacifique, les deux escadres
adverses commençaient ce qui ressemblait à
un affrontement classique de porte-avions.
Un peu avant minuit, un avion de reconnaissance repéra
au radar les navires britanniques à environ 480 km
de l'escadre argentine et à 240 km au nord de Port
Stanley. Une fois alertés, les Skyhawk A-4Q se préparèrent
pour attaquer à l'aube, chargés de bombes
à retardement Snakeye Mk 82 de 227 kg, le porte-avions
mit le cap vers une position de décollage à
320 km de l'objectif. Après minuit, un Sea Harrier
de l'Invincible repéra à son tour l'escadre
argentine.
Mais à l'aube eut lieu un de ces coups du sort que
personne ne peut prévoir. Quand les Argentins s'aperçurent
que le vent, déjà fort à ces latitudes,
avait atteint un point tel que les Skyhawk qui décolleraient
avec le plein de carburant n'avaient aucune chance de revenir
après l'attaque, ils décidèrent de
la retarder.
Un peu plus tard dans la journée, le croiseur Belgrono
fut coulé par un sous-marin nucléaire britannique
en patrouille et l'escadre se replia vers les eaux territoriales
argentines, ne jouant ainsi plus aucun rôle dans le
conflit, bien que sa flottille aérienne obtint avec
les A-4Q des victoires contre les bâtiments de la
Royal Navy. Les contre mesures que celle-ci aurait pu prendre
contre les Argentins, au cours de ce qui aurait constitué
la première bataille aéronavale depuis la
dernière guerre mondiale, resteront inconnues. Durant
les semaines suivantes, les porte-aéronefs britanniques
s'installèrent dans la routine des missions de patrouille,
des attaques au sol et des sorties de reconnaissance. Les
Harrier et le Hermes firent l'essentiel des missions de
soutien aux troupes à terre. Le 19 mai, le Hernies
mit seul le cap vers le continent pour lancer un Sea King
HC.Mk 4 en mission spéciale, qui finalement s'écrasa
à la frontière entre l'Argentine et le Chili.
Pendant
les débarquements à San Carlos, les deux porte-aéronefs
furent utilisés au maximum, fournissant des missions
d'interception qui, bien que détruisant un certain
nombre d'appareils argentins et en empêchant d'autres
de terminer leurs missions, se révélèrent
pas assez efficaces pour empêcher d'atteindre les
navires de la flotte. Le 25 mai, l'Invincible se distingua
en tirant, en moins de deux minutes, six missiles Sea Dart,
pendant l'attaque des Exocet qui allaient couler l'Atlantic
Conveyor. Maïs aucun des Sea Dart ne toucha un avion.
En revanche, un de ces missiles faillit atteindre l'Hermes
et un autre est supposé avoir touché en vol
un missile Sea Wolf quand ce dernier attaqua un des deux
Exocet argentins.
Pendant la dernière attaque importante contre la
flotte, le 30 mai, l'Invincible fut la cible d'un Exocet
et de quatre bombardiers Skyhawk A-4C. Le premier manqua
son coup et deux avions furent touchés avant de larguer
leurs bombes, mais les Argentins affirmèrent avoir
porté des coups sérieux à l'Invincible.
La guerre des Malouines a démontré deux choses
: en premier lieu, le secret du succès réside
dans l'emploi judicieux d'une aéronavale nombreuse
et bien entraînée; en second lieu, les restrictions
budgétaires du temps de paix et les manoeuvres militaires
menées à l'économie font perdre des
hommes, des avions, des navires et, finalement, la bataille.