Napoléon arrive le 20 novembre à Brünn,
y fixe son quartier général et prend aussitôt
ses dispositions pour le choc qu'il espère imminent
et décisif. Il dispose pour le moment de deux corps
seulement sur les huit qui constituent la Grande Armée,
le quatrième sous les ordres de Soult,
et le cinquième sous Lannes
comprenant la division Suchet et la division Caffarelli,
échangée contre celle de Gazan, très
éprouvée à Durnstein. Il a en outre
la Garde, les grenadiers sous les ordres de Duroc, Oudinot
ayant été blessé à Hollabrunn.
Soit un peu plus de 50 000 combattants.
Au moment où il hésite encore entre une action
militaire qu'il sait hasardeuse, et une paix dont les conclusions
lui seraient peut-être défavorables demain,
les coalisés lui facilitent la décision en
passant à l'offensive. Car les alliés sont
confiants. La jeunesse dorée russe avait imposé
le général autrichien Weirother comme conseiller.
C'est lui qui va préparer le plan de la bataille
d'Austerlitz.
Contre l’avis de Koutousov, qui veut venger Ulm,
le tsar Alexandre, qui commande en chef, est partisan de
l'offensive. La supériorité numérique
de l'armée l'y incite, d'autant que, n'ayant pas
imaginé au début de la campagne que l'on pourrait
reculer aussi loin, les magasins d'approvisionnements, vivres
et équipements, n'avaient pas été prévus.
Il donne l’ordre le 25 novembre de quitter Olomouc.
Cinq colonnes sont formées et dirigées sur
Brno. Le 28, elles arrivent devant Wischau. Là, une
échauffourée avec les français, remportée
par les cavaliers russes, persuade le tsar et son entourage,
qu'il viennent de remporter une grande victoire et que Napoléon
n'est pas invincible. Les auspices sont donc favorables.
D’ailleurs, le tsar apprend que le général
Savary demande à le rencontrer pour lui remettre
une lettre de Napoléon dont il est porteur
Ce n'est certes pas là une démarche d'un
homme sûr de lui ! Après leur défaite
au combat de Wischau, les Français se savent perdus
: il faut les battre avant qu'ils n'aient eu le temps de
s'enfuir, pense le tsar qui remet à l'envoyé
une lettre pour "le chef du gouvernement français"
mais, dès le lendemain, fait occuper Austerlitz et
installe son quartier général au château.
En fait, Napoléon n'a envoyé Savary que pour
avoir une idée des projets russes. Apprenant la prise
de Wischau, il pense maintenant que les alliés vont
attaquer sans attendre les renforts, et cela lui est confirmé
par les déclarations d'un officier bavarois déserteur:
c'est bien l'armée ennemie entière qui s'avance.
Napoléon, depuis quelques jours, a soigneusement
étudié avec ses officiers la configuration
des lieux qu'il occupe: "Messieurs, regardez bien ce
terrain, leur dit-il, ce sera un champ de bataille et vous
aurez un rôle à y jouer". Tendant un piège
à l’ennemi, il décide même, contre
l’avis de ses Officiers Généraux, de
lui abandonner le Pratzen. En fait un coup de génie.
À nouveau, il envoie Savary au tsar pour lui proposer
une entrevue.Celui-ci, tout en refusant, lui délègue
cependant le prince Dolgorouki. La rencontre a lieu non
loin de la Stara Posta. Mais devant les prétentions
arrogantes de l'aide de camp d'Alexandre, Napoléon
se retire.
La bataille est donc maintenant certaine. Dolgorouki est
si convaincu que l'armée russe tient l'ennemi à
sa merci qu'il déclare en arrivant à son camp
: "Napoléon tremblait de peur. J'ai vu l'armée
française à la veille de sa perte. Notre avant-garde
suffirait à l'écraser."
Pour conforter cette opinion, Napoléon a ordonné
de ne pas trop résister aux attaques de l'armée
ennemie; il se mêle lui-même, à pied,
au repli de ses troupes. Le 30 novembre il écrit
aux commandants des 1er et 3e corps (Bernadotte et Davout):
"après-demain, nous allons livrer bataille ;
hâtez-vous si vous voulez y prendre part." L'armée
austro-russe met cinq jours pour faire soixante-dix kilomètres.
Ordres, contre-ordres donnés en plusieurs langues
ont retardé sa progression. Ce n'est donc que le
1er Décembre au soir que les alliés prennent
position, face à l'armée française.
Dans l'après-midi du 1er décembre, alors
que les deux armées prennent quelque repose autour
de leurs bivouacs, Napoléon, avec quelques officiers
et 20 chasseurs de la Garde, s'avance entre les deux lignes.
Parmi ces officiers, Daumesnil et Ségur, qui s'amusent
à provoquer l'ennemi. Des balles sifflent.
Il fait presque nuit, mais on peut distinguer les lignes
de l'ennemi, sur le Pratzen elles se prolongent vers le
sud, vers les étangs d'Aujezt, indiquant qu'il
a l'intention de tourner les français par leur
droite. Napoléon donne ensuite ses ordres pour
la journée du lendemain. Puis, en compagnie d'une
partie de ses officiers, il se met à table. Il
y a là Murat, Caulaincourt, Junot, Mouton, Rapp,
Lemarois, Lebrun (le fils de l'ex-Consul), Thiard, Ywan
et Ségur.
Situation presque surréaliste : à la veille
de la bataille, les hommes ainsi réunis vont parler
de poésie, de théâtre. Napoléon
en a pour Corneille. On évoque l'Égypte,
et les rêves du général Bonaparte
!
Puis, après avoir effectué une nouvelle
inspection et constaté que ses instructions ont
été suivies, Napoléon s'étend
sur son lit de camp, et s'y endort bientôt. Suite
à un petit engagement devant Telnice, on réveille
l'Empereur; celui-ci constate aussitôt ainsi la
justesse de ses prévisions. Avec quelques officiers
de son tétat-major, il saute en selle, descend
la colline, s'avance entre les lignes afin d'évaluer
l'importance des attaquants ennemis. La petite troupe
est prise à partie par un détachement de
cosaques, a du mal à se dégager, mais parvient
néanmoins à revenir dans les lignes françaises.
Revenant vers son bivouac, il passe, près du village
de Jiricovice devant les régiments, qui viennent
de prendre connaissance de la proclamation à l'armée.
Approchant de son bivouac, l'Empereur se heurte, dans
l'obscurité, contre un tronc d'arbre renversé.
Un grenadier imagine alors de tordre de la paille, d'en
faire un flambeau, d'y mettre le feu et, l'élevant
au-dessus de sa tête, d'en éclairer les pas
de l'Empereur. Son passage suscite bientôt l'enthousiasme
des troupes, qui l'on reconnu, et qui, les unes après
les autres, allument des torches pour éclairer
ses pas, et qui crient : " Vive l'Empereur ! ".
Mais déjà la même pensée,
le même cri, se propageant avec la rapidité
de l'éclair, volait de feu en feu; et tous à
l'envi, saisissant l'à-propos, ils détruisent
leurs abris, ils lient leur paille au bout de toutes les
perches qu'ils trouvent sous leur main, ils l'allument,
et en un instant, sur une lignes de deux lieues, des milliers
de gerbes de flammes s'élèvent, aux cris
mille fois répétées de "Vive
l'Empereur ! ".
De fait, les officiers alliés qui observent les
lignes françaises sont surpris par ces lueurs et
ces cris dans la nuit. Dolgorouki, les rassure: l'armée
française est en train de lever le camp, brûlant
les bivouacs. L’État-major, réuni
à Krenovice, écoute pendant ce temps Weyrother
expliquer les derniers détails du plan d’attaque.
Koutousov somnole.
Une partie du corps d’Armée de Davout
(Division Friant), qui se trouve à environ 15 km
du champ de bataille, se met en mouvement. Les Alliés
n’en ont pas connaissance. Le piège va se
refermer.
Sur le champ de bataille, règne toujours un calme
étonnant. Vers 4 heures du matin, Napoléon
quitte sa tente et descend jusqu’à Puntovice.
Il aperçoit les feux presque éteints sur
les hauteurs de Pratzen, et perçoit très
nettement des bruits indiquant que ces derniers se dirigent
vers les étangs, vers sa droite. Le piège
est en marche.
Il fait encore nuit noire. Du coté des alliés,
le centre, les réserves et l'aile droite du général
Bagration restent sur leurs positions. Mais les Autrichiens,
qui forment la gauche du dispositif allié, descendent
du plateau de Pratzen. Mais la 3e colonne de Przybysewski
croise la 5e colonne formée de la cavalerie de
Lichtenstein, qui, la veille au soir, dans l’obscurité,
n’avait pas occupé la place qui lui était
assignée, et s’y rend maintenant ! D'où
une belle pagaille, un retard dans l'exécution
des ordres, et…. des chevaux qui ne reçoivent
pas leur ration de fourrage ! Langeron est obligé
d'arrêter ses troupes, tout comme Przybysewski;
quand les cavaliers sont enfin passés, une heure
a été perdue.
Ce retard donne également le temps à la
division Friant de se rapprocher du champ de bataille
et aux défenseurs de Telnice, attaqués par
l’avant garde de Kienmayer, de renforcer leur défense.
Contre-attaquant baïonnette au canon, ils contraignent
les Autrichiens à reculer et à repasser
le Goldbach en désordre. Débouche alors
la 3e colonne de Przybysewski. Elle attaque le château
de Sokolnice, où Legrand les reçoit avec
de terribles salves d’artillerie (aujourd’hui,
des croix dans le mur entourant le château marquent
l’emplacement des batteries françaises).
La manœuvre d'enveloppement prévue par les
Alliés est en cours: 12 bataillons de Langeron
assaillent Sokolnice, tandis que 29 bataillons austro-russes
attaquent Telnice
A 7 heures, alors que la bataille a commencé depuis
déjà deux heures près des étangs,
le combat va s'engager à l'autre extrémité
des lignes, sur la route d'Olomouc. La colline du Santon
est le pivot de la défense de la gauche française.
Les canons tonnent, et les deux divisions du maréchal
Lannes
s'ébranlent à la rencontre des quatre-vingt-deux
bataillons austro-russes du général Bagration,
qui a, à ce moment, son quartier-général
au relais de poste de Pozorice - la Stara Posta.
La division Suchet est au nord dans les contreforts boisés
qui bordent la route d'Olomouc. La division Caffarelli,
précédée de la cavalerie légère
de Kellermann et les dragons entrent dans la plaine, plus
au sud. Les uhlans de la réserve russe attaquent.
Kellermann replie ses cavaliers parmi les bataillons de
Caffarelli. Ceux-ci, par une fusillade nourrie, accueillent
les Russes dont l'élan est ainsi brisé.
Le général russe Essen est mortellement
atteint. Les escadrons ennemis essaient de se regrouper.
À ce moment les cavaliers de Kellermann surgissent
sabre au clair et dispersent les Russes. Le prince de
Lichtenstein envoie aussitôt des renforts, mais
les dragons français chargent à leur tour.
Après quelques minutes de ce féroce combat,
chaque cavalerie se replie laissant le terrain jonché
d'hommes et de chevaux.
L'infanterie s'avance alors. Les Russes dirigent sur
les troupes françaises toute leur artillerie, quarante
pièces de canon. Une décharge enlève
en entier le groupe de tambours du premier régiment
de Caffarelli, qui perd 400 hommes en trois minutes. Malgré
cela les Français avancent et marchent déjà
sur Blazowice. Sur les ordres de Lannes,
le colonel Castex prend le commandement du 1er bataillon
du 137e léger. En entrant dans le village, il est
frappé d'une balle en plein front, mais ses soldats
s'élancent et prennent le village qu'avait occupé
le matin un détachement de la garde russe.
Les français résistent bien à Telnice,
Sokolnice et sur la ligne du Goldbach, et le plan mis
sur pied par les alliés pour écraser Napoléon
semble désormais impossible à réaliser.
Au contraire, le plan français va commencer d’entrer
en exécution.
Sur le Zuran, où un sémaphore a été
installé pour la transmission des ordres, Napoléon
est entouré de tous ses officiers généraux:
Berthier, Junot, Bessières, Murat, Davout,
Bernadotte, Soult,
Lannes.
Car c'est bien la crème de la Grande Armée
qui est là, et, à l’exception de Berthier,
ils ont tous moins de 40 ans ! Les deux derniers nommés,
suite à une querelle le 28 novembre, ont promis
de se battre en duel, mais Soult
décide qu’ils ont plus urgent à faire,
et l’épisode en restera là.
Napoléon donne ses dernières instructions:
à Telnice et Sokolnice, la division Friant du maréchal
Davout
et la division Legrand du maréchal Soult
ont pour instruction de tenir le plus longtemps possible,
de ne reculer que pied à pied, d’harceler
sans cesse l'ennemi jusqu'à ce que les colonnes
austro-russes soient coupées de leurs arrières.
Elles vont accomplir point par point les ordres reçus.
Lannes
et Murat, sur la route d'Olomouc, doivent tenir en échec
et refouler si possible la droite ennemie. Soult,
avec les divisions Vandamme et Saint-Hilaire doit, malgré
son impatience, attendre que les troupes ennemies aient
dégarni le plateau de Pratzen (pour attaquer la
droite du dispositif français), pour foncer entre
Jirikovice et Ponetovice, traverser le Goldbach et remonter
les pentes du plateau, coupant ainsi en deux l'armée
ennemie.
Napoléon, la Garde, les grenadiers et le corps
de Bernadotte, resteront en réserve derrière
Soult
pour l'appuyer si nécessaire. Accablés par
des forces cinq fois supérieures, les Français
sont près de perdre Telnice et Sokolnice, lorsque
la division Friant arrive (elle vient de marcher 65 km
en deux jours!) et entre immédiatement dans le
combat, soutenue par les cavaliers de Bourcier. Mais le
combat est inégal: 10 000 français contre
50000 austro-russes ! Bientôt, la situation devient
critique: Telnice et Sokolnice sont aux mains des alliés.
Bagration tente de prendre le Santon. Ses troupes entrent
dans Tvarozna, au pied du mamelon, mais sont bientôt
forcées de se retirer vers Pozorice. Contre-attaquant
à son tour, Suchet envoie deux régiments
sous les ordres du général Valhubert. Malgré
des pertes très lourdes (Valhubert est mortellement
blessé, mais refuse qu’on le transporte hors
du champ de bataille) les russes sont repoussés.
L’Empereur donne le signal: Vandamme et Saint-Hilaire
se mettent en mouvement.
20 000 hommes traversent le Goldbach à Ponetovice
et à Girzikovice et en une demie-heure, ils vont
atteindre les hauteurs de Pratzen (Saint-Hilaire) et de
Stari Vinoradhy (Vandamme). Le quartier général
de Koutousov est installé à Krenovice. Vers
neuf heures, sur la foi des rapports qu'il reçoit,
il estime la situation satisfaisante: les Français
ont déjà perdu Telnice et Sokolnice, sans
que la quatrième colonne de Kollowrath soit entrée
en action. Le tsar est impatient de vaincre et morigène
Koutousof. Ce dernier, à contrecœur, donne
l'ordre à Miladorowitch de commencer la descente,
tandis qu'il va voir près du bord du plateau où
en sont les combats. La brume est en partie dissipée.
On aperçoit confusément des troupes ennemies
sur les hauteurs opposées. Pourtant, en bas, la
fusillade devient plus distincte. Koutousov se tourne
vers un aide de camp, lui demande sa lunette d'approche,
mais l'ordonnance sursaute, et le bras tendu vers le pied
du plateau: "Regardez ! là, devant nous !
Ce sont les Français !"
Les officiers s'arrachent la lunette, changent d'expression,
la terreur se lit sur leurs traits. Devant eux, des milliers
de français montent à l'assaut, en chantant.
Kollowrath s’est aperçu de l’avance
des français. Il fait faire demi-tour à
ses troupes pour contr’attaquer. De l'aide est demandée
au prince de Lichtenstein, engagé à ce moment
là près de Blazovice, qui envoie quatre
régiments russes.
Les choses vont vite. La division Saint-Hilaire prend
le pas de charge, bouscule les détachements de
Miladorowitch, traverse village de Pratzen sans s'arrêter.
Le général Morand (10e léger) s'établit
sur le plateau, soutenu par la 1ère brigade du
général Thiébault, tandis que la
division Vandamme prend position près de Stari-Vinohrady.
Thiébault, avec sa batterie de douze canons, tire
à boulet et mitraille sur les Autrichiens qui se
débandent sur le revers du plateau. Vandamme attaque
alors les Russes à la baïonnette, les obligeant
à fuir en abandonnant leur artillerie. Il revient
vers la hauteur de Stari-Vinohrady, l'attaque avec le
24e léger du général Schiner et le
4e de ligne dont le colonel n’est autre que Joseph
Bonaparte. Il gravit la pente, culbute l'ennemi et s'empare
des canons et de leurs servants
Là se déroule une terrible empoignade,
où les participants sont tour à tour vainqueurs
et vaincus. Mais les alliés ne parviennent pas
à enfoncer les français. A ce moment précis,
des nouvelles alarmantes arrivent du Pratzen. Les alliés
piétinent, le plan de Weirother pour écraser
Napoléon est désormais impossible à
réaliser. Soult
s'établit sur le plateau et s'efforce de concrétiser
la rupture des armées alliées. Koutousov
regroupe encore ses forces: les troupes de Kollowrath
et de Miladorowitch, la brigade Kamenski du corps de Langeron,
(qui, au bruit du canon sur le Pratzen, a fait faire demi
tour à ses hommes, engagés à ce moment
à Sokolnice), la garde impériale russe du
prince Constantin, et fond sur la brigade Thiébault,
isolée du reste de la division par le ravin de
Pratzen.
Les Austro-Russes se sont rapprochés jusqu'à
trente pas des Français, précédés
de deux officiers qui crient:" Ne tirez pas, nous
sommes Bavarois." Lorsque la supercherie est découverte,
la position des Français est précaire. Saint-Hilaire,
ayant consulté les généraux Morand
et Thiébault sur le parti à prendre, décide:
En avant, et pas de prisonniers. L'ennemi est culbuté,
les uns dans la vallée du Goldbach, les autres
de l'autre côté du plateau. Koutousov est
légèrement blessé. Côté
français, le colonel Mazars est tué, le
général Saint-Hilaire blessé, et
de nombreux officiers hors de combat. Pendant ce temps,
la brigade Varé refoule les Austro-Russes de Kollowrath
vers Krenovice.Un détachement de cavalerie de la
garde russe, regroupant les fuyards, repart à l'assaut.
Le 4e de ligne du frère de l'Empereur, se retrouve
au milieu des combats, est bousculé et accuse de
grandes pertes.
Le général Ouvarof, avec les escadrons
dont il peut encore disposer, tente de colmater la brèche
ouverte dans la droite de l'armée alliée.
Murat reçoit le renfort d’une division du
Corps d’Armée de Bernadotte. Liechtenstein
et Bagration sont contraints de reculer. Lannes
occupe Holubice, ayant fait 4 000 prisonniers, tué
ou blessé 2 000 Russes. De plus il s'est emparé
de la plus grande partie des équipages ennemis.
Il arrête alors sa progression, ignorant le sort
de l'ensemble de la bataille, et fait informer Napoléon
de la situation.
Napoléon avait raison: ces hauteurs sont bien
la clé de la bataille. Si ses soldats se maintiennent
dans cette position, comme cela semble le cas, Koutousof
est coupé en deux. Pourtant rien n’est encore
sûr pour les français. L'Empereur s’établit
sur le plateau de Pratzen, suivi de la réserve:
Bernadotte, la Garde et les grenadiers. Le grand-duc Constantin,
après avoir bousculé les deux bataillons
de Vandamme, lance toute la garde impériale russe
(où combattent des représentants des plus
nobles familles de Russie) sur le flanc de l'attaque française.
La brigade Kamenski tente, près de Sokolnice, un
dernier effort. Rapp prend le commandement d'un régiment
de chasseurs à cheval de la Garde auquel il adjoint
l'escadron des mameluks. Ordener suit avec les grenadiers
à cheval. Bernadotte a détaché la
division Drouet (colonel Gérard) pour contrer l'infanterie
russe.
C’est la première fois que ces deux corps
d’élite se rencontrent.
Les Français s'élancent, enfoncent la cavalerie
russe. Une deuxième charge de cavalerie commandée
par le prince Repnine s'effectue. Le colonel Morland est
tué. Arrivent en renfort les grenadiers à
cheval d'Ordener. La mêlée est impressionnante.
La cavalerie française parvient à disperser
et à refouler les chevaliers-gardes d'Alexandre,
faisant un illustre prisonnier, le prince Repnine en personne,
que le général Rapp, le crâne entouré
d’un pansement, présentera lui-même
à Napoléon.
Pendant ce temps, les trois régiments de la division
Drouet refoulent l'infanterie russe, privée de
la protection de la cavalerie, sur Krenovice et Austerlitz.
Bagration est coupé du reste des alliés.
Lannes poursuivant son effort, aidé par les cuirassiers
de Murat, force les Russes à se replier vers Rousinov.
Mais deux batteries russes, installées sur une
hauteur derrière le relais de poste de Pozorice
(la Stara Posta) protègent ces derniers, et Bagration
sauve la presque totalité des troupes qui lui restent.
Peu après, Murat s’établit à
la Stara Posta.
Ce qui reste de l'aile droite de Bagration se replie,
les cavaliers de Lichtenstein fuient au-delà d'Austerlitz.
La garde russe est anéantie, toutes les troupes,
du centre à la droite, sont en retraite. Seules
les colonnes de l'aile gauche qui devaient encercler les
troupes de l'Empereur résistent sur le Goldbach,
mais elles sont maintenant coupées de leurs arrières.
La garde du plateau est confiée aux troupes de
Bernadotte. Napoléon réunit le corps d'armée
de Soult,
y adjoint les bataillons de la Garde, les grenadiers d'Oudinot
avec 40 pièces de canon, et descend par ces mêmes
chemins qu'ont emprunté le matin même les
troupes alliées.
Autour de Telnice, la division Friand tient tête
depuis les premières heures aux colonnes alliées.
Friand a eu quatre chevaux tués sous lui. Davout,
arrivé sur les lieux, se demande s'il pourra tenir
encore ses positions. Buxhoewden pense pouvoir obtenir
la décision, quand sur ses arrières arrivent
les grenadiers d'Oudinot, Napoléon à la
tête de la Garde Impériale, et les divisions
de Soult.
Les batteries françaises entrent en action et causent
de grandes pertes aux Russes. Les colonnes de Langeron
et de Pribyschewski tentent de se replier le long du Goldbach
vers le nord. La cavalerie française se lance à
la oursuite des fuyards, en capturant la plupart, dont
le général Pribyschewski lui même.
Le corps d'armée du maréchal Soult
arrive alors sur le versant du plateau. Buxhoewden avec
quatre régiments, se replie sur Ujezd, au nord
des étangs, Langeron se joint à lui. Les
Russes commencent à pénétrer dans
le village, mais Vandamme, avec sa division dévalant
du plateau, y entre de son côté. Buxhoewden
est blessé, parvient à s'enfuir, mais ses
troupes ne pouvant plus avancer se précipitent
vers les étangs glacés, pensant pouvoir
s'enfuir par cette voie.
La glace ne peut évidemment résister au
poids des hommes, des chevaux et des canons. Elle se brise
bientôt et la déroute est complète.
Lejeune ne sera pas le seul à déformer l'évènement
qui, en réalité, fut beaucoup moins dramatique.
Mais la légende, orchestrée par Napoléon
lui-même s’emparera de cet épisode,
en l'amplifiant à l'envie. Par ailleurs, Soult,
autour de Sokolnice, soutenu par les dragons de Beaumont,
vient à bout de la dernière résistance
des troupes russes. Les cavaliers se saisissent en quelques
instants de milliers de prisonniers et de leur artillerie.
Le soleil commence à décliner. Le prince
Bagration, le général Ouvarof font retraite
vers Welspitz et Austerlitz. Le prince de Lichtenstein
et le grand-duc Constantin se replient également
vers le château d'Austerlitz. Toutes les troupes
alliées sont en déroute.
Lorsque la nuit survient, Napoléon se trouve près
d’Ujezd. Accompagné de Soult et Berthier,
il remonte vers le nord, en direction de la route d’Olomouc,
traversant le champ de bataille. Il ordonne que l’on
fasse des feux, et que l’on groupe autour les blessés,
que les officiers d’ordonnance recouvrent des vêtements
pris aux morts. Vers minuit, il arrive à la Stara
Posta, que Murat et Lannes ont conquis quelques heures
auparavant. Là. Il s’allonge sur un lit de
paille, et s’endort, bientôt réveillé,
cependant, par l’arrivée de Jean de Liechtenstein,
venant présenter la reddition de l’armée
autrichienne
Dès le lendemain, Napoléon installe son
quartier général au château d'Austerlitz.
Le 3 décembre, il s'adresse à l'armée
dans une nouvelle proclamation, devenue célèbre.
Il écrit aussi à Talleyrand et.... aux évêques
de France, pour leur demander de célébrer
l'évènement. Le même jour, le prince
de Liechtenstein arrive au château d'Austerlitz,
chargé par l'empereur d'Autriche de demander une
entrevue à napoléon.
Le 30e Bulletin de la Grande Armée est daté
du 3 décembre 1805 (12 frimaire an XIV).